Vues de l’exposition Anatomie du Dessin, curatée par Rindala El Khoury et Christiane Courbon au MAC Arteum à Châteauneuf-Le-Rouge
Octobre 2024 – Décembre 2024



Il y a des choses que la peau montre, et d’autres qu’elle cache. La peau est une carapace molle, douce, moelleuse et élastique. Nous ne voyons de nous même que la peau, elle nous recouvre tout entier, elle nous protège des agressions extérieures, elle est capable de s’ouvrir, de se refermer, elle peut se parer de traces. Car la peau est rarement neutre, elle est le témoin de notre passé, elle montre ses marques.
Au lieu de la dessiner, je l’évoque. La peau est constituée de trois couches, l’épiderme, le derme et l’hypoderme, qui sont elles mêmes composées de différentes épaisseurs. La pellicule la plus externe de la peau, l’épiderme, est la plus fine, son épaisseur moyenne est de l’ordre du dixième de millimètre. L’épiderme est donc représenté par un papier fin, presque translucide. La surface du corps existant est transférée à ce papier, exigeant d’utiliser plusieurs feuilles, de réadapter leur format au métrage carré de la surface de la peau.
Il existe un calcul pour connaître la surface totale de la peau sur un corps. Selon ce processus mathématiques, je suis couverte de 1,371 m2 de peau.
Il est insolite de reporter la surface de son corps à celle de feuilles de papier, et savoir que pour se recouvrir entièrement, il faudrait, pour mon cas, un peu moins de deux feuilles 70×100 cm. Il faut étaler cette surface à plat, l’extraire de la forme du corps pour se rendre compte que cela ne semble pas beaucoup.
Sur ces 1,371 m2 se balade une cicatrice de 42 cm. Sur mon corps, elle s’étire de haut en bas dans mon dos. Inévitable, elle prend de la place. Ici elle n’est qu’une ligne, rien n’est coupé, rien ne nécessite d’être réparé. Il ne s’agit pas ici de sublimer une cicatrice, mais simplement de l’observer en rapport avec l’espace qu’elle occupe sur la surface. Elle se noie dans une étendue fine et étrangère. Elle invite l’imaginaire à se projeter au- delà de cette surface, elle évoque une intrusion à l’intérieur du corps et la transgression de notre supposée carapace.
A l’instar d’un tatouage, cette ligne, ce trait de 42 cm est mon dessin, à la fois une frontière et un lien entre le volume 3D du corps et sa surface en 2D. Sur la feuille, la cicatrice représentée devient un dessin / sculpture. Elle module la surface de la feuille, tend le papier, crée des creux, des bosses.
Reproduire cette surface en différents formats, y apposer les dessins de la peau, c’est surprendre la vision que nous avons de nos corps en dérangeant sa forme. C’est également regarder l’étendue de nous- même, prendre du recul sur sa taille, sa couverture. En regardant ces surfaces, on n’imagine plus le volume vivant qu’elle contient. Les cicatrices sont les vestiges d’incursions au-delà de la peau, des ouvertures possibles vers un autre monde.
RECHErCHES liées




Description de la pièce :
Une grande feuille de papier très fin en format carré est accroché sur le mur. N’étant pas collé à la paroi, il flotte un peu. Une autre feuille rectangulaire est accrochée à côté, très longue elle traîne jusqu’au sol. Il y a très peu de choses sur ces feuilles. Le dessin est formé par le latex qui y est apposé. Des cicatrices sont dessinées au latex : un long trait entrecoupé par de plus petits traits perpendiculaires. Le latex est décollé du papier, sauf aux extrémités. Il soulève le papier, le tire. Des ombres se créent dans les creux et les bosses du papier.